C’est à la suite d’une part d’une agression verbale de voisinage vécue récemment et d’autre part de beaucoup de cas rencontrés en consultation que j’ai décidé de consacrer cette Sexo-Lettre de mars 2025 à l’art de mieux communiquer en situation de conflit ou comment mieux se disputer. Une communication saine est un pilier d’un couple solide. De plus, une bonne communication sexuelle est elle aussi essentielle!
Dans cette Sexo-Lettre, je vais donc vous donner des conseils issus de ma pratique mais je me baserai également sur l’excellent livre (une pépite!) «Mais tu ne m’avais jamais dit ça! La communication intime dans le couple» de Carolle et Serge Vidal-Graf.
COMMENT MIEUX SE DISPUTER
=> Le choix du moment
Il ne faut jamais communiquer à chaud, quand vous êtes énervés voire quand l’un d’entre vous ou même les deux sont agressifs. Aucun message n’est susceptible de passer correctement dans ces moments-là.
On peut observer différents types de réactions, de «disputes types»:
- L’un s’énerve, l’autre suit et on assiste alors à la montée en puissance de la colère chez les deux partenaires et les échanges deviennent des noms d’oiseaux! Constructif? Non!
- L’un s’énerve et l’autre tente de le raisonner. On assiste alors à une lutte d’arguments durant laquelle le premier continue à s’énerver tandis que l’autre, de nature plutôt calme, absorbe toute cette agressivité et se met à trembler. Autre possibilité, il va finir par s’énerver à son tour. Comprenez bien que ce n’est pas le moment de tenter de raisonner votre partenaire. Vos cerveaux ne sont pas assez calmes et clairs pour échanger et tout sera réfuté, même les évidences.
- L’un s’énerve et l’autre tente de fuir, poursuivi par le partenaire agressif que rien ne peut arrêter. Il continue à monter en agressivité en utilisant des reproches ou des attaques personnelles pour essayer de faire réagir l’autre. Constructif? Non!
- L’un s’énerve et l’autre décide de prendre tous les torts sur lui, de s’excuser et de reconnaître n’importe quoi en espérant ainsi calmer son partenaire. Nous avons d’un côté une pluie de reproches et en face des «oui, oui, désolé, désolé». Cette attitude peut parfois fonctionner pour calmer le partenaire énervé mais ce ne sera pas toujours le cas. De plus, quand l’énervement sera retombé, avoir une discussion posée à ce sujet sera d’autant plus difficile puisque l’un des deux aura reconnu des choses sans y croire, juste pour calmer le jeu et avoir la paix.

Je conseille donc à mes patients, lors des disputes de couple, d’utiliser un «drapeau rouge». Entendez par là un mot code, un objet,… Tout ce que vous voulez en fait tant que vous vous êtes mis d’accord au préalable. Le partenaire le plus calme (et il peut varier bien entendu d’une dispute à une autre) doit utiliser le mot code ou brandir l’objet. Le message derrière est le suivant: «Le moment n’est pas propice, nous sommes énervés, nous savons que rien de bon ne peut sortir de cette discussion, arrêtons-nous là pour l’instant et nous reprendrons quand l’énervement sera redescendu dans un climat plus propice».
Quand reprendre la discussion? Ce laps de temps peut être variable pour chacun. J’ai tendance à conseiller à mes patients de se disputer sur rendez-vous. Il s’agit de fixer un moment par semaine (par mois ou tous les 15 jours en fonction de vos plannings) durant lequel vous êtes certains de ne pas être dérangés. Vous vous asseyez donc ensemble et vous échangez par rapport à ce qui s’est passé durant la semaine, la quinzaine ou le mois écoulé. Nous allons voir plus loin comment doivent se passer ces échanges et de quoi ils doivent être constitués. Si vous avez eu une grosse dispute, je vous engage bien entendu à ne pas attendre votre moment de communication quotidien et à vous fixer un rendez-vous plus rapproché afin de mettre les choses à plat.
[Petite parenthèse même si cela peut paraître assez logique: évitez un maximum de vous disputer devant vos enfants (et je dirais même devant n’importe quel public)! En effet, ceux-ci n’ont pas à être mêlés à vos différends et ne doivent d’autant plus jamais être poussés à rendre un avis. Votre dispute vous appartient à vous seuls!]
Enfin, notez bien que le non-dit tue et la parole guérit. Il faut exprimer au fur et à mesure du temps les petites choses qui vous énervent. C’est ainsi que vous n’arriverez pas au point de l’explosion et de l’agressivité que nous avons abordé précédemment. Il faut partager les petites contrariétés avec votre partenaire au moment opportun bien entendu, d’où à nouveau l’intérêt de fixer un moment de communication entre les partenaires. Bien souvent, selon les expériences de nombreux couples de patients, vous vous rendrez compte lors de ce moment calme et serein que vous avez donné trop d’importance à une petite contrariété, j’appelle cela une «tempête dans un verre d’eau». Et malheureusement, c’est ce qui vous aura fait souffrir!
Sachez également que votre sexualité risque d’être affectée par les non-dits! En effet, la rancœur n’instaure pas un climat propice aux relations sexuelles…

Une manière intéressante de fonctionner est d’avoir à la maison une «boîte à communication». Comprenez une boîte dans laquelle vous allez laisser au fur et à mesure de la semaine des petits mots en fonction de vos ressentis. Le fait de directement les mettre par écrit vous allégera d’un poids certain. J’insiste toujours sur le fait qu’il faut laisser dans cette boîte certes des mots relatifs à vos contrariétés mais n’hésitez pas aussi à y laisser des mots positifs relatifs aux moments agréables passés en couple durant la semaine! Il s’agira d’ouvrir cette boîte à fréquence régulière.
=> Le choix des mots
A ne PAS utiliser:
- Reproches.
- Attaques personnelles.
- Menaces, la pire et la plus souvent utilisée étant «si c’est comme ça, je te quitte!».
- Comparaisons, la pire étant avec une relation précédente.
- « Tu », « Jamais », « Toujours »,…
A utiliser:
- « Je » + mon émotion par rapport à la situation, à l’attitude ou au comportement de mon partenaire mais sans jamais m’attaquer à qui il est.
- Ne pas hésiter à souligner qu’il s’agit de votre ressenti, de votre vision des choses et que vous êtes prêts à entendre comment votre partenaire a vécu cette même situation.
- Il existe de nombreux ouvrages consacrés à la CNV (communication non violente), des formations en présentiel ou en ligne. Je vous conseille vraiment, si vous êtes de nature plutôt agressive et que vous n’arrivez pas à exprimer vos ressentis de la bonne manière, de suivre l’une de ces formations ou de lire un livre à ce sujet mais surtout ensuite de mettre des actions en place pour évoluer.
- Et n’hésitez pas à placer un bon souvenir en commun ou un compliment pour votre partenaire. Le but est que chacun d’entre vous comprenne que ne pas être d’accord ne veut pas dire ne plus s’aimer!
Quelques exemples:
«Tu ne comprends pas» devient «Je ne me sens pas compris et cela m’insécurise».
« Tu es toujours en retard quand nous avons rendez-vous» devient «Je me sens abandonnée quand tu arrives en retard à notre rendez-vous».
«Tu m’énerves à rester silencieux» devient «Je suis mal à l’aise avec ce silence qui se prolonge».
Enfin, en termes de communication sexuelle, «Tu es maladroite dans tes caresses» devient «J’aime tes caresses mais cette caresse-là ne me convient pas».
=> Prendre du recul
J’ai pu constater à plusieurs reprises ces derniers temps lors de mes consultations que les couples arrivent devant moi en campant chacun sur leurs positions et j’assiste pour commencer à un combat durant lequel chacun essaie de démontrer qu’il a raison. L’important est de comprendre que peu importe qui a raison! Il ne s’agit pas de déterminer qui a tort et/ou qui a raison, nous pouvons tous avoir des points de vue différents. On peut aussi juste accepter que nous allons rester en désaccord sur ce point! Notez bien que l’Ego ne pourra que vous desservir dans ce type de situation…
Ensuite, ce conseil fait partie des 4 Accords toltèques: n’en faites pas une affaire personnelle! Bien souvent, l’autre a eu une journée difficile ou a été énervé par une cause extérieure ce qui a conduit au final à son explosion face à vous en rentrant à cause d’une broutille. Personnellement, cela m’aide beaucoup de penser que chacun vit son «enfer personnel» qui induit ses réactions et que l’agressivité qui en découle, même si elle est utilisée contre moi à un moment, n’a en réalité rien à voir avec moi. Cela me permet de me raisonner et de ne pas répondre moi aussi agressivement. Ne soyez donc pas susceptibles! Ce que les autres font ou disent n’est qu’une projection de leur réalité.
Enfin, peu importe le sujet de dispute, peu importe comment s’est passée votre journée, peu importe qu’il s’agisse d’une accumulation, l’agressivité n’est jamais la réponse adéquate!
Personne n’est parfait. Faites donc en sorte de retirer le positif de chaque expérience car elle vous permettra d’évoluer et de vous adapter afin, au fur et à mesure, de communiquer avec votre partenaire d’une meilleure manière!
LA COMMUNICATION SEXUELLE
Pour commencer, partons du principe que «faire l’amour» inclut tous les aspects sensuels d’une rencontre: se dire des mots tendres, prendre un bain ensemble, écouter de la musique allongés nus ensemble, se caresser,… Cela ne se limite pas à une pénétration, une éjaculation ou un orgasme et il se peut que ces étapes n’arrivent pas à chaque fois!
Ensuite, nous devons accepter notre aspect animal et le laisser vivre, sans jugement. Il faut oser le laisser s’exprimer lors de nos rapports sexuels: oser séduire, oser rugir comme un animal sauvage, oser faire un strip-tease en prenant son temps, oser se masturber devant son partenaire,…
Enfin, il faut savoir qu’au niveau sexuel chaque couple va passer par 3 phases:
La première: la lune de miel = sexualité masculine.
Partenaire idéalisé, désir permanent. Une sexualité masculine est orientée vers un objectif à atteindre: l’orgasme et l’éjaculation. C’est une sexualité de l’action, de l’excitation, du mouvement. Il y a peu de pauses, peu de moments de tendresse.
La deuxième: l’initiation à la sensualité = sexualité féminine.
Le plus souvent, la femme sera à l’initiative de transformer la relation sexuelle pour y inclure de la lenteur, de la sensualité, de la tendresse et l’absence d’objectif à atteindre. C’est une sexualité de caresses subtiles, de non-faire et d’immobilité.
La troisième: la danse sexuelle = le masculin et le féminin se rencontrent.
Après être passés par les 2 phases précédentes, il s’agira de pouvoir alterner l’une et l’autre sexualité, des moments plus masculins et des moments plus féminins. Le couple qui aura appris à communiquer sexuellement pourra décider, en fonction de son humeur du moment, des combinaisons utilisées.
Remarque: statistiquement, les hommes sont plutôt initiateurs de sexualité masculine et les femmes de sexualité féminine mais il existe bien sûr des couples où la situation est inversée.
Il y a des moments dans la vie de couple où il est essentiel de pouvoir avoir une bonne communication sexuelle: la grossesse, l’accouchement, l’arrivée du 1er enfant, la vie de famille, la ménopause et l’âge mûr.
Eviter la confrontation et espérer que tout puisse magiquement redevenir comme avant est illusoire. Pour garder une sexualité épanouissante, il est essentiel d’en parler. Il ne s’agira jamais d’un retour en arrière mais bien de chercher à construire ensemble une sexualité nouvelle, différente et qui convient aux deux partenaires. Bien sûr, cela ne sera pas facile. Il s’agit d’en parler et «d’accepter d’entrer dans un processus de transformation souvent long et presque toujours émotionnellement chaotique»!

=> Comment aborder la communication sexuelle dans votre couple?
Votre vie sexuelle actuelle ne vous satisfait pas complètement et vous souhaitez en parler avec votre partenaire. Que faire?
Commencez par créer le cadre c’est-à-dire mettez toutes les chances de votre côté pour que cette conversation se passe au mieux. Le choix du moment est essentiel et fixer un rendez-vous permet à votre partenaire de ne pas être pris au dépourvu. Commencez l’entretien par partager vos émotions positives autour de votre relation.
Si votre partenaire refuse ce rendez-vous, il est temps d’en prendre un chez un professionnel!
=> Le choix des mots
Comme lorsque je vous ai parlé de la boîte à communication, il s’agira surtout d’aborder autant ce qui va que ce qui ne va pas. En effet, même lorsque tout va bien, il reste toujours très important de communiquer! Et «plus un couple consacrera du temps pour parler de ce qui va bien, plus il lui sera facile de parler de ce qui va mal».
Quelques exemples
Parler de ce qui va:
«J’aime faire l’amour avec toi», «j’aime comme tu me caresses», «j’aime être dans tes bras»,…
Parler de ce qu’il faut améliorer:
«J’ai envie de faire l’amour plus souvent/moins souvent», «Tu effleures mes seins et je préférerais que tu les pétrisses», «J’ai peur d’éjaculer trop vite quand nous faisons l’amour», «J’ai le sentiment que c’est toujours toi qui inities le rapport amoureux, cela ne me donne pas la possibilité de laisser émerger mon désir pour toi; j’aimerais parfois que tu sois moins insistant envers moi pour que je puisse sentir l’envie de venir vers toi», «J’aimerais plus d’affectif, de douces caresses»…
Tout d’abord, il fait se laisser le temps d’intégrer émotionnellement l’information. Ce n’est que dans un second temps qu’on essayera de trouver des solutions.
Les désirs
Je l’ai déjà de nombreuses fois répété mais il est essentiel de se connaître soi-même, d’identifier ses désirs pour ensuite pouvoir les communiquer à son partenaire.
Prenez conscience de vos goûts en commun et de ceux que vous ne partagez pas. La négociation deviendra possible puisque chacun se sera exprimé.
Notez que les désirs évoluent avec le temps, l’âge des partenaires et la durée d’une relation. Les réponses données aujourd’hui ne seront plus les mêmes demain. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à clarifier régulièrement ses désirs et à y revenir régulièrement.
Enfin, prenez conscience que le mythe du prince charmant n’engendre que des frustrations! De quoi s’agit-il? Simplement du fait de penser que si votre partenaire vous aime il doit savoir ce qui vous fait plaisir sans que vous ayez besoin de le dire! Nous ne sommes pas devins!
Vous voulez explorer ensemble?

Les peurs
Tout le monde rencontre des peurs relatives à la sexualité, elles font partie intégrante des rencontres amoureuses. Il faut commencer par les accepter puis les partager à notre partenaire.
Exemples de peur
« J’ai peur d’éjaculer trop vite, de ne pas avoir d’orgasme, d’être maladroit(e), d’avoir mal pendant la pénétration car je lubrifie peu, de ne pas avoir d’érection,…».
Quand les peurs de chacun sont exprimées et entendues, le dialogue peut se poursuivre. Quand elles sont reconnues et nommées, elles deviennent «de précieuses alliées sur le chemin de la connaissance de soi», elles ne sont plus paralysantes ou «anormales».
Savoir dire non
«Mon propre bien-être et le plus beau cadeau d’amour que je puisse faire à mon partenaire».
Il s’agit de pouvoir exprimer son refus avec amour et toujours de partager son ressenti.

=> Le choix du moment : hors du lit et dans le lit
Les échanges hors du lit peuvent aborder un registre plus vaste, plus profond. Ils peuvent être l’occasion de remises en question. Les échanges dans le lit sont destinés à transmettre des informations sur l’ici et maintenant.
Hors du lit
Testez donc le cadre de l’écoute silencieuse. Il s’agit de laisser l’autre s’exprimer sans l’interrompre, sans préparer des arguments de réponse et attendre qu’il dise qu’il a terminé. Ainsi, celui qui parle peut prendre son temps, suivre le fil de sa pensée, exprimer ses ressentis sans devoir se battre pour conserver la parole. Celui qui écoute peut le faire de manière détendue et simplement se laisser toucher par la parole de l’autre, écouter sa vérité, comment il vit les choses.
Lorsque ce sera au tour de celui qui écoute de parler, il ne s’agit pas d’apporter une réponse à ce qu’il a entendu mais à partager ce qu’il a à dire. L’écoute silencieuse est plus un échange qu’une conversation.
Dans le lit
La communication a pour objet l’instant présent. Ce n’est pas le moment d’avoir une discussion de fond! C’est un moment où nous sommes généralement très vulnérables et très sensibles. Il s’agira donc d’utiliser une communication «positive»: «oui c’est bon, continue».
Par contre, si nous rencontrons un inconfort physique ou émotionnel, il faudra l’exprimer également de manière factuelle:
«Mes bras fatiguent dans cette position, j’aimerais en changer».
«J’ai froid, j’aimerais me couvrir»
«J’aimerais arrêter et dormir car demain je me lève tôt et mon esprit est préoccupé, je n’arrive pas à être présent».
=> Pour terminer
Communiquez avec amour: commencez par dire qu’une caresse est agréable puis ajoutez qu’elle serait encore plus agréable d’une manière différente ou qu’une telle caresse est agréable mais qu’une autre moins.
Communiquez avec précision: ta manière actuelle de me caresser ne me convient pas => je te dis avec précision ce que je souhaite comme caresse.
Communiquez avec des gestes, des attitudes, des regards. La communication non verbale dans ce contexte a également beaucoup d’intérêt. Il s’agira donc par exemple de prendre une main et de la déplacer délicatement ou de «démontrer» une caresse en la faisant sur nous-même ou sur l’autre.
Cette Sexo-Lettre ne sera pas la seule à aborder la communication. En effet, les problématiques qui l’entoure sont vastes, très souvent rencontrées en consultation et il est donc essentiel de toujours la travailler! C’est pourquoi d’autres conseils suivront 😉 N’oubliez pas qu’une communication saine est un pilier d’un couple solide.